31.8.06
Message d’Amour #01
Je propose de démarrer le compte-rendu des Rencontres de Lure 2006, évidemment ce rapport se veut participatif et j'attends de vous d'étoffer ce qui va être entamé ici. Merci :)Nous partîmes 10 et par un prompt effort, nous vîmes maintes jolies choses. Par quoi commencer ? Il y a quelques jours seulement que nous sommes rentrés à Paris, et personnellement Lurs me semble déjà loin. Il faut dire que les rencontres de Lure c'est une expérience, un moment unique. Des vacances ? Pas vraiment, mais quand même, oui — un peu. Le soleil, les montagnes, les shorts et les tongs pour tout le monde — enfin presque. Un moment d'intimité avec les têtes de la typographie internationale. Un instant entre plaisir d'apprendre et plaisir de se rencontrer.
Peut-être que la meilleure façon de vous en faire part est de garder le fil chronologique.
Le dimanche soir, tout le monde n'était pas là, mais le buffet melon-saucisson a vite été consommé. On connaît et reconnaît quelques têtes. Un petit bonjour aux têtes familières, d'autres tentent une approche plus directe. Ce soir là, Yohanna avait déjà entamé la discussion avec Rudi Meyer.
Lundi, bien que couchés tard, nous nous levâmes tôt. Premiers pas dans la Chancellerie de Lurs (dont l'entrée est taillée par la marque de Franck Jalleau). On commençait un peu en famille, puisque la première conférence était celle d'Isabella Checcaglini. Isabella nous proposa un voyage entre littérature et typographie, dans la constellation mallarméenne (projet de recomposition des poèmes de Mallarmé selon sa volonté originelle, travail produit au LEG — petite pensée émue pour l'atelier, pour Sébastien aussi). La problématique est intéressante — Jean-Louis Estève le souligne, il est à côté de moi. Remarquez le thème ne pouvait que lui plaire, puisque dans les mots de Mallarmé même, on trouvait : “faire corps avec le papier même”. “On a touché au vers !” s'exclamait-il, dans la salle, certains s'étonnaient de trouver le texte bien plus beau quand il était imprimé avec amour et qu'il s'offrait au lecteur exactement “comme il devait être lu”. Bonne nouvelle !
La suite de la matinée fut plus suisse — quoique. Rudi Meyer nous présenta quelques travaux parmi la masse de production que ce suisse parisien a produit tout au long de sa carrière. La présentation commença en navigant entre plusieurs points-clé : la typographie comme élément du lisible, la manipulation des formes comme acte de sens et surtout la notion du “service rendu” au client — notion chère à M.Meyer puisqu'apprise auprès des grands maîtres de la Nouvelle Typographie même. “Unité dans la diversité.”
L'après-midi fut plus détendu, et la digestion se fut au son des anecdotes de Dominique Monod (de la famille de Maximilien — excusez du peu.) et de ses créations photo-romanesques dans le village de Lurs. Pour certains, la conférence à été commentée par Rudi Meyer lui-même, nous montrant les détails des photos et de photocomposition. Ravis !
La type d‘édition qui suivit fut un peu plus lourd, non pas par le sujet, mais par le poids des livres exposés.
Marc Kopylov nous présenta ses rapports entre édition et typographie (et de nous offrir quelques pages du livre sur la collection de spécimen typographiques d'André Jammes !). De la publication du fond Balzac, à l'interêt pour le pathos typographique avec la figure du “correcteur fou” de l'Imprimerie Nationale : Nicolas Cirier (dont certains se sont empressés d'acheter le livre le mercredi d'après aux "puces typographiques"). L'exemple même de la blague de “combien faut-il de typographes pour changer une ampoule” ou comment en arriver à toujours revoir sa copie. Étrangetés typographiques en tous genres au programme pour en arriver à la question drolatique de fin de journée "Pourquoi la Hollande a-t-elle la plus forte densité de typographes ?". Jan Middendorp nous présenta le hobby favori de nos amis bataves sous l'angle de l'humour. La première partie de la présentation était tout un tas d'explications diverses et variées sur l'esprit hollandais (entre tulipes et moulins si vous voyez ce que je veux dire) très drôle. Ensuite nous fîmes un voyage à travers les grands créteurs de caractères hollandais de Crouwel à Bloemsma — dont la disparition récente (je l'ai d'ailleurs appris ce jour là-même) rendait la présentation de ses travaux très émouvante. Si Jan lui rendit un hommage plein délicatesse, la chute de la conférence se finit sur une petite note d'humour. Le titre était “L'Amour de la Typographie (et la violence à laquelle il peut mener)”, et le contenu une bande dessinée issue d'un dialogue entre Jan Middendorp et un ami (graphiste-designer ? Je ne me rappelle plus …). J'aimerais pouvoir la trouver en ligne, car tout amateur de design typographique à la néerlandaise se doit de lire ça !
Je crois que la rencontre avec Jan Middendorp fut la plus marquante pour la plupart d'entre nous, c'est un homme charmant et toujours accessible. Je me rappelle être souvent sortie de conférence et démarrer une conversation détendue sur nos impressions, nos commentaires. Parler de la différence d'esprit entre la France et la Hollande, par pur interêt de comprendre et d'apprendre. Je tiens à le remercier ici même pour sa gentillesse et son ouverture d'esprit.
-----
La suite demain. :) Et promis j'essaie de stocker le giga de photo quelque part :))
20.8.06
Lur E/S
Le GogoType part à Lurs pour les rencontres de Lure ! Nous tenterons de vous communiquer nos meilleurs messages d'Amour de la-bàs !
11.8.06
Pro Helvetia
Comme l'atteste ce document d'époque, il y aurait effectivement les "pour" et les "contre".
10.8.06
H
Voici une note où l'on n'apprendra rien.Pire, on y parlera d'une note publiée sur un autre blog.
Encore pire, on y dira du mal d'une typographie.
Et pour courronner le tout, çe sera de la violence gratuite.
Vous êtes prévenus.
Alors voilà, en tombant sur un article d'un blog dont je tairai le nom, je remarque que celui-ci est est illustré par l'image d'une image web : une reproduction basse définition d'une reproduction basse définition, quoi.
Bref, je tiens donc maintenant entre mes mains l'arme fatale, l'humiliation totale.
Pixel vengeur
ton heure est venue :
Malheur à moi, je déteste l'Helvetica.
(Et avec un peu de chance, votre navigateur préféré choisira même la pauvre suppliciée pour afficher mon affligeante dérive insomniaque.)
9.8.06
Six Degrés de Séparation : Le Retour.
C'est un moment que vous attendiez tous j'en suis sûre, le retour des Six Degrés de Séparation (également appelés — uniquement par les spécialistes— le SDDS, palindromique acronyme s'il en est !).
Aujourd'hui : Quels rapports mystérieux relient le sémillant Bruce Willis à l'effronté Typoman ?
Comme vous le savez tous, Bruce Willis est un célèbre acteur américain. Qui a joué, entre autres extraordinaires moments de l'histoire du cinéma, dans un film appelé : L'armée des douze singes. Film réalisé par le tonitruant Terry Gilliam, qui fut partie dans sa prime jeunesse du crew de comiques britannique, les Monty Python. Dont le premier fan chez nos amis Néerlandais était Guido van Rossum, créateur de l'invincible code de programmation — eh oui dont le nom est tout juste tiré du Circus dont nous parlions à l'instant — Python ! Guido? me direz-vous. Non vous ne vous trompez pas, il s'agit bien là du frère de Just van Rossum, typographe émérite (et gaucher, ça vous ne pouviez pas le louper). Qui a fondé en compagnie de son accolyte Erik van Blokland (droitier pour sa part) le studio LettError ! Au sein duquel, un personnage, sans qui nous, âmes perdues de la typographie, nous serions perdus, le bien nommé : Typoman !
Je dédie ce post à mon très cher JB, qui a trouvé ces associations nulles.
Je tiens également à préciser que des caractères GRATUITS sont disponibles sur le site de LettError.
Merci.
1.8.06
99 Luft Ballons
Eh oui, malgré ce que l'on peut penser, le pays étranger que j'ai le plus visité, c'est l'Allemagne.Petite, je me suis toujours demandée pourquoi les allemands écrivaient differemment. Quelquechose me paraissait, alors, comme illogique. Cette façon étrange de lier les lettres, de former les boucles.
Ce matin en regardant l'amitié franco-allemande s'illustrer avec brio dans la désormais très connue émission Karambolage, je suis tombée sur ça.
En cherchant dans les tréfonds de mon cerveau (enfin ce qu'il m'en reste après 5 heures de BNF en compagnie de ma très chère collègue Yohanna - ça c'est pour faire baver les autres.) je me suis dit qu'il y avait un modèle calligraphique là-dessous, c'est pas possible autrement.
Alors, l'Anglaise ? Ben non, son nom ne le dit que trop. Heu, p'tet le style genre flemmish alors ! Ah ben on s'approche mais c'est pas encore tout à fait ça. Mmm, ben pas la scripte à la française, hein non. Ah je sais ! La Fraktur !
Ah ben voilà on y est, le bon vieux cliché : les allemands ils écrivent tous en gothique comme au temps de grand-papa. Ben oui les jeunes, si on écarte toute connotation historique de la Fraktur (connotation souvent abusive, puisque Hitler décida en 1941 que ce type avait des origines "juives" et donc le remplacer par le DIN entre autres, vous pourrez trouver de la controverse dans un article sur FormUtil dont je vous mets le lien, ici et ici), il faut bien avouer que ce type (je parle de la forme d'écriture, pas de l'autre, tout le monde est d'accord) a eu un impact majeur sur nos cousins germains. Et notamment sur la façon d'apprendre l'écriture.
Ce modèle de scripte s'appelle le Kurrent Script ou encore German Script et en observant de près on constate des rapprochements de ductus entre cette forme de scripte et la Fraktur. D'ailleurs cela rend le tout un peu difficile à décrypter si l'on ne connait pas les formes dont les lettres sont inspirées.
Le B capitale reprend (un peu à la manière du L capitale en Anglaise) la panse du B capitale en Fraktur, sur le M capitale on trouve aussi la liaison très particulière sur la dernière descendante (j'en appelle aux spécialistes de calligraphie pour corriger mes lacunes en termes techniques, j'en ai presque honte). Pour observer de plus près vous n'aurez pas de mal à trouver des images, en cherchant sur google par exemple. Les sites sur le sujet sont assez nombreux, puisque beaucoup de gens cherchent à déchiffrer le Kurrent, notamment pour pouvoir lire des anciens actes de naissance lors de recherches généalogiques.
Mais, vous allez me dire que c'est bien beau tout ça, mais qu'aujourd'hui plus personne en Allemagne n'écrit en Kurrent. Oui, c'est vrai. Ceci dit la permanence de l'apprentissage des écritures est bien plus solide que l'on veut bien le croire. En effet, si vous avez l'occasion d'aller en Allemagne, observez les notes manuscrites qui vous tombent sous les yeux et vous verrez. Ou encore si vous avez un ami allemand faites le test ! Vous verrez écrivez chacun de votre côté une série de mots et je suis sûre qu'il y aura des différences de ductus entre vous.
Oui, je sais ce genre de jeu ne fait rire que moi, mais essayez vraiment, ça me fera plaisir.