11.10.06

Européen, imaginaire, de luxe.




Toute personne qui a fréquenté l'école Estienne sera certainement d'accord avec moi, les meilleures anecdotes sont celles liées aux nombreuses rixes entre nous, élèves (ou ex-) et le concierge dans le fameux continuum espace-temps 19h-19h20.
Et ce soir, Mathieu, Yohanna et moi-même (qui a dit : 'toujours les mêmes' ?) n'y avons pas échappé.
J'avais déjà prévenu Mathieu, il est dix-neuf heures bientôt, je monte avec Yohanna faire des adieux nicotine, je descends et on se barre.
Après quelques envolées sur Borges et l'architecture, je descendais chercher mon camarade de classe, qui, comme vous vous y attendez bien-sûr, était - encore à ce moment là - occupé à scanner les calques d'une obscure gothique (et quand je dis obscure, je parle de sa 'laidback-weight' et pas de son allure globale, qui, ma foi, est assez chouette).
Oh, j'oubliais ! Nous avions déjà croisé le concierge une fois. Allez, allez, c'est l'heure d'y aller. L'habitude de cette phrase qui vous vient automatique à l'esprit vers 18h59 me l'avait fait l'oublier.
Avec Mathieu, nous profitions de ces quelques minutes de répit (entre 19h17 et 19h20) pour gloser ensemble de choses et d'autres, de nous demander s'il fallait 'vectoriser un m à la Jalleau' ou non, s'il fallait écrire un mail à M. Martin - ou non, et j'oublie certainement les parties les meilleures.
19h20, un peu à la X-Files, vous savez. 19h20, salle E-130c, école Estienne. Les lumières s'éteignent peu à peu, des pas retentissent dans le couloir. C'est lui, Gabriel, l'inimitable, il va nous virer. Il a cette habitude fascinante à observer de rentrer dans la salle comme si de rien n'était, ou plutôt, plus justement encore, comme si personne n'y était. Et en tournant la tête sciemment vers les derniers occupants de la scène du crime à lui de nous dire d'un air désabusé : 'Allez, allez c'est l'heure', sans réellement s'adresser à nous, mais plutôt à l'air ambiant, celui des règles de l'école sont les mêmes pour tout le monde, et que ça saute.
Paquetant en hâte nos affaires, nous nous engagions vers la sortie, en parlant, un peu en réponse désinvolte à l'anecdote précédente, comme si de rien n'était, comme deux employés de bureau qui savaient qu'à 19h20 la vie reprenait son cours. Alors tu prends le 67 ce soir ? Oui, oui je prends le bus avec toi, au fait t'as fait quoi pour demain, hey ça va être dur de se lever demain matin, oh m'en parle pas. Mais vous ne connaissez que trop cette situation, à tel point que je ne sais pas pourquoi je m'attarde sur le sujet.
Mais peut-être cette image vous est moins commune. Estienne, la nuit. Le regard de Robert Estienne s'est assombri, les jeunes éphèbes imprimeurs qui l'entourent rient sous cape. La cour se teinte d'un bleu sombre, seule la lumière blafarde de la bibliothèque lui donne un peu de chaleur. On monte doucement les escaliers qui montent dans le hall d'entrée, papotant gaiement, toujours de la même façon.
La chose que nous attendions pas cette soirée-là, c'est ce petit homme, aux cheveux grisonnants, vêtu d'un costume de laine vert bouteille de bonne facture, une chaînette à ses lunettes.
'Venez, venez'
Surprise par cette rencontre, je crois que je ne remarquai, avec de longues secondes de décalage, ses bras s'agiter et nous inviter vers l'autre côté du hall.
Situation encore plus inhabituelle, lorsque nous nous aperçûmes, Mathieu et moi, des cols blancs et des coupes de champagnes se mouvoir dans un flou propore à l'incompréhension.
Les Cadrats d'Or (européens), comment aurions nous pu oublier ça ?
Ou tout simplement, être au courant.
Situation surréaliste, digne d'un scénariste amoureux des scènes miroir. A tout ceux qui ont connu les restrictions de pizza froide, les réprimandes parce que VOUS êtes des pique-assiette, des brimades parce que vous vouliez juste profiter de la chaleur du moment et d'accéder avec modération à une tranche de salami sur pain de moi. A tout ceux-là, je crie victoire.
Ecoutez, chers amis, ces mots délicieux qui résonnèrent dans nos oreilles craintives. Venez manger, vous n'avez pas des collègues appelez-les, venez, venez, posez vos sacs ici, oui, là, si on vous les vole on les rattrappe, ne vous inquiétez pas, venez, prenez un verre, mangez encore, oui, oui c'est cela, regardez, prenez une brochette encore, allez cassez la croûte, ce soir vous verrrez, vous n'aurez pas à manger.
Mais plus encore. Devant nos yeux ébahis, une farandole d'amuse-bouche, de verrines aux couleurs chatoyantes, de brochettes de petits pickles luxueux, des mille-feuille de jambon cru et fromage dignes d'un des plus grands M.O.F. féru de design culinaire. J'oubliais les petits œufs cocotte, tomate ou fines herbes à déguster, bien entendu, avec des mini-cuiller/fourchettes.
Vous êtes épatés ? Vous n'avez rien vu.
Déjà sous le choc, une coupe de champagne à la main, Mathieu et moi en avions presque oublié de regarder ce qui se trouvait derrière nous. Le sucré. Des macarons frais, des petites pâtisseries et d'autres verrines aux couleurs chamarrées, framboise et citron.
Une bouteille de champagne arrosa l'équipe du service, fontaine luxueuse ponctuée de 'C'est la fête', 'Oui, c'est la fête', 'Oh c'est la fête' de dames en tailleur rose pâle et de messieurs en costume gris.
La situation était édenique, quoiqu'un peu embarrassante puisque nous ne connaissions absolument personne dans le petit comité qui se délectait de cette fine dégustation.
Deux visages connus surgirent à ce moment.
Un Kirghize et un américain. Vous voyez de qui je parle.
Eux-même étonnés de la situation. Profitant également avec joie de ce festin impromptu.
La deuxième coupe de champagne, fût justifiée par 'après tout je suis imprimeur'. Après tout, oui nous faisons un peu partie du lot.
Evidemment, à l'arrivée de nos deux zigues préférés du LEG, un débat agité fut entamé sur la qualité des travaux sélectionnés par le jury du Cadrat d'Or (européen). Mais trop occupée à chiper quelque macaron rose pour une certaine Gwen, je ne m'y attardai guère.
Tout le monde en profita allègrement. Le concierge eût droit à son plateau repas (de luxe), ainsi que la femme du petit homme en veste verte de tout à l'heure. Non chérie ne fais rien réchauffer ce soir, je te rapporte tout. Les petits fours emballés à la va-vite dans des emballages de ramette de papier (eh oui Cadrat d'Or oblige) partaient pour une toute autre destination afin de ne pas gâcher.
Contents de cette soirée pour le moins inattendue, nous emboitions le pas vers nos foyers respectifs, tentant de dire un au revoir correct à nos charmants professeurs (trop emballés par le débat dont je vous faisait part plus haut dans le texte ).
La soirée n'avait pas été réussie pour tout le monde, sur le chemin du retour, une voiture modeste arborait un magnifique reflet de Johnny Halliday. Un automobiliste changeait son pneu crevé.

Composé par londoncalling @ 8:55 PM

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Oh Oh Pauline !
ton Pop

Anonymous Anonyme a dit @ 10:16 PM #
 

Pauline tu racontes tellement bien les histoires qu'on voudrais que tu sois là le soir pour border le lit et raconter des trucs comme ça, et de s'endormir comme ça.

Anonymous Anonyme a dit @ 11:36 PM #
 

comme quoi ca paye de rester si tard!

Anonymous Anonyme a dit @ 1:27 PM #
 

Pauline,il est déjà trop tard, mais merde, pourquoi, pour une fois, oui juste cette fois-là, je suis partie 5 minutes avant vous? Oui, pourquoi, en passant dans le hall d'entrée j'ai alors pensé à un rassemblement mensuel de l'amical des anciens élèves? Mais pourquoi à ce moment, je n'ai eu, sur le chemin du retour que ma poire jaune de la cantine pour me tenir compagnie? Tu peux me le dire?
Ben parce que j'avais un sujet de diplôme à trouver, sympa...
P.S.: Sympa le concierge, il s'appelle Raphael, sympa.

Joella

Anonymous Anonyme a dit @ 1:39 PM #
 

Sympa, en plus on a raté mon brushing

Blogger yohanna a dit @ 5:18 PM #
 

J'espere que tu as eu le bonheur de passer ta souris sur la photo de joella, c'est impressionnant.
Dsl c'était pas voulu, JB apelle ça la poésie du hasard.

Blogger londoncalling a dit @ 8:03 PM #
 

J'apelle ?

C'est une calomnie...

Le Jibe

Anonymous Anonyme a dit @ 3:17 PM #
 

Excuse moi mon Amour, mais c'est un beau lapsus tu en conviendras.

Blogger londoncalling a dit @ 3:39 PM #
 
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